"Allez plus vite que ça, tu vas encore être en retard !" ... "Oui et puis moi t'oublie pas, je t'attends demain à la première heure à la cafèt. Je veux la fin de la love-story !"
Comme tout le monde peut se douter, il s'agit de mes acolytes Mumu et Jef. C'est l'heure de la pause café, il est 16h00, mais moi j'ai psy comme souvent les mercredis. ...
17h06, j'arrive enfin à mon rendez-vous de 17h00 au cabinet du docteur Legrand, docteur en psychiatrie. Apparemment il est en retard tout comme moi. J'ai ainsi le temps de me poser dans la salle d'attente pour reprendre mon souffle.
En attendant qu'il vienne, je prends le livre que je lis en ce moment, "Chirac s'emmerde". Rien de telle qu'une bonne histoire pour faire passer le temps.
Ah, le voilà. "Mlle Fair ? A nous."
Je rentre dans l'antre, pose mon sac au pied de la chaise qui se trouve en face de son bureau et prends la route du vieux Chesterfield marron. J'imagine ce que l'on pourrait penser, mais non, il ne s'agit pas du canapé mais simplement du fauteuil. (Tous les psy n'utilisent pas un canapé dans lequel on s'allonge avant de déballer sa vie).
Bref, ce fauteuil est comme le ventre d'une mère où l'on apprécie de se reposer. Dans le dos, j'ai un coussin hyper moelleux au toucher soyeux (peau de pêche), et c'est partie pour une séance de 45 minutes.
Il ne me dit rien et me laisse raconter ce qui me me vient à l'esprit. Pour ne rien changer, je fait un flash back sur notre séance précédente, sur l'analyse que j'ai pu en faire en rentrant et finalement lui raconte les derniers événements de ma vie et l'impact de ceux-ci sur le déroulement de la suite de ma semaine.
On en arrive à parler de CE week-end à Jersey.
Je débute mon monologue par "vous savez docteur, j'ai beaucoup souffert de son départ et ai peur d'être abandonnée à nouveau. Je n'ai pas vu arriver tout ça. J'en ai souffert et en souffre encore. Comment est-ce que je vais faire pour réaliser ma vie ? Toute la confiance que je pouvais avoir en moi s'est effritée et, reconstruire est difficile. ..... blablabla .... et puis Harry .... blablabla".
A peine ces quelques phrases sorties de ma bouche, je me mets à pleurer.
Il n'y a pas une séance sans pleurs. Aucune larme ? Cela a du arriver une fois, et c'était parce que la colère et l'envie de vivre se mélangeaient. Je ne voulais pas lui laisser aussi ça, le droit de détruire ma propre vie. S'il y a bien une chose qui ne lui appartient pas, c'est bien ça. Je me devais de réagir et d'être forte. Une fois ce n'est pas beaucoup quand on y réfléchit. A moi seule, avec toutes ces larmes je pourrais être à l'origine d'un tsunami ou pire, couler la planète.
Depuis qu'il est parti en laissant la maison et mon cœur vides, je ne suis qu'une naufragée.
Et c'est ainsi qu'il prend la parole. Lorsque les émotions sont trop lourdes à porter par mes seules épaules, il me soulage en mettant des mots sur ce que je ressens, sur ce que je dois apaiser dans ma vie pour que celle-ci soit épanouie. Et puis, il finit par "Ne vous inquiétez pas. Vous y arriverez. Il faut juste du temps pour que vous puissiez vous reconstruire. Ce n'est pas simple ce que vous avez vécu et maintenant que vous avez fait votre deuil, il reste quand même les souvenirs de la souffrance et les inquiétudes. Vous referez confiance. Mais pour cela il faut laisser entrer quelqu'un et affronter la vie. Si la prochaine n'est pas la bonne, il ne faudra pas le vivre comme un échec car c'est ça la vie. Rien ne se fait en une fois. La vie c'est un apprentissage vous savez. Et puis il faut aussi vous dire, et si au contraire c'est la bonne personne ? Vous ne pensez pas que ça vaut le coup d'essayer pour le savoir ?".
Je l'écoute attentivement, continue d'inonder les mouchoirs que j'ai pris dans la jolie boîte en forme de cube posée à ma droite, quand je ne ne suis pas en train de me tordre les doigts. J'acquiesce à chacune de ses paroles par un hochement de tête.
Mais comment peut-il savoir tout ça ? On pourrait croire qu'il a toujours vécu à mes côtés, comme une petite souris qui aurait pu participer à tous les moments de ma vie sans que je ne m'en aperçoive.
Ça me fait d'autant plus mal car il dit vrai quand il parle de mon hyper sensibilité, de mon besoin vital de plaire aux autres en tout cas de ne heurter personne, de la peur de ne pas réussir ce que mes parents ont réussi. Un mariage, des enfants et surtout une vie de couple, d'amour qui dure maintenant depuis 36 ans.
Et puis d'un coup : "Parlez moi de ce Harry. Vous ne m'en aviez pas parlé auparavant ? Selon vos critères bien entendu, que vous inspire t-il ? Vous suggère t-il la confiance ?"
Toute la question est là. Je le croise depuis quelques semaines dans les couloirs et dès la première rencontre il avait ce petit quelque chose qui m'a plu. On pourrait penser à un coup de foudre, mais je ne sais pas si on peut vraiment dire ça. Je suis tellement sur mes gardes que je dirais qu'il s'agit plus d'un coup de cœur. Cela faisait longtemps que je n'avais pas regardé un garçon avec ces yeux, les yeux d'une célibataire en conquête.
"Vous savez docteur, je ne sais pas trop quoi penser. J'ai envie de lui faire confiance car je me sens prête à être de nouveau aimée mais en même temps, je me pose des milliers de questions. J'ai comme une balle rebondissante dans la boîte crânienne et ne sais pas comment l'arrêter. Je voudrais simplement être normale et vivre ma vie sans autant de torture psy.
Harry, comment dire ? ... et surtout par où commencer ??? C'est un jeune homme de 35 ans. Il n'a jamais été marié et n'a pas d'enfant. Il est très charmant (oh ça oui !). Il y a tout de même un hic dans tout ça. Nous travaillons dans la même société, il me plaît, et je viens tout juste de savoir que ce n'est que pour une mission de 5 mois. Il ne lui reste plus que deux mois à passer au sein de la société. Peu importe, ..."
Je me remets à pleurer. Défile dans ma tête des images d'instant précis dans la société et puis ... à Jersey.
Qu'ai-je bien pu faire pour mériter de souffrir autant.
"Docteur, à votre avis que dois-je faire ?" A ça, il m'a juste répondu "C'est de votre vie qu'il est question. Je suis votre docteur, je ne suis pas là pour prendre les décisions à votre place mais pour vous aider à aller de l'avant. ... Allez. On s'arrête là pour aujourd'hui. Mercredi 11 à 19h30, ça vous va ?".
Je repars de là avec des réponses partielles à mes questions mais tout de même perdue. "Que dois-je faire?"
jeudi 6 mai 2010
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